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Mariage de François Bellenger et de Marie Guion
À l'époque, la dot de la jeune fille était primordiale
Pour Marie, un lopin de terre
Texte de Raymond Bélanger 
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Il est certain que François Bellenger et Marie Guyon signèrent un contrat de mariage. Celui-ci, même si la copie fut perdue, est confirmé indirectement par deux autres contrats. D'une part, le testament de Jean Guyon exigeant de remettre 150 livres promis à sa fille Marie fait référence à son contrat de mariage. D'autre part, une allusion explicite à ce contrat est présente dans celui de Jean Guyon et d'Élisabeth Couillard qui reçoivent, en cadeau de noces, tout comme François et Marie, une portion de terre de deux arpents au fief Du Buisson pour la culture (Tronquet, 25 novembre 1645).

"… et attendu qu'il s'est trouvé que le sieur françois Bellenger son Coudre n'a par receu conforment la somme portée au contract de mariage que les autres ses enfants on receu ainsy quil nous a dit et déclaré iceluy consent et demeure d'accord quiceluy Sr Bellenger prenne et recoive par preference et avant partage la somme de Cent cinquante Livres tournois pour parfaict accomplissement de son traité de Mariage iceluy a prendre sur le plus clair de ces biens et sans aulcune diminution de son lot et partage que luy pourra eschoir et advenir arrivant contestation entres les dits heritiers freres et sœurs…… (Audouart, 14 mai 1663).

Le 27 juillet 1636 nous semble la date la plus plausible pour ce contrat. À la même date, Robert Drouin et Anne Cloutier signent leur contrat de mariage devant treize témoins. Au bas de ce contrat, à côté de nombreuses marques dont la hache de Zacharie Cloutier, nous y voyons une première attestation juridique de la présence de François en sol canadien. Également, les sept engagés qui signent ne sont-ils pas les sept personnes dont parlent les Relations des Jésuites que nous avons cités sous la rubrique précédente : l'immigrant ?

Nous reproduisons, en raison de son importance historique, ce contrat et sa transcription. En haut, à droite, figure le no 2, insinuant qu'un contrat no 1 avait été antérieurement passé. Il s'agit sans doute de celui de François et de Marie Guyon. Par deux fois, le nom de François est attesté, dans l'introduction et parmi les signatures.

Le 12 juillet 1637, il y aura à Québec le premier mariage double en l'église Notre-Dame-de-la-Recouvrance. Robert Drouin et François Bellenger épouseront Anne Cloutier et Marie Guyon. Cet acte de mariage, reconstitué de mémoire à la suite de la perte des registres en raison de l'incendie de cette chapelle en 1640, se lit comme suit et porte les numéros 10 et 11.

Le 12 juillet 1637, les bans ordinaires étant faits, et s'étant trouvé aucun légitime empêchement, le Père Charles Lalemant, Jésuite, faisant fonction de Curé de Notre-Dame-des-Anges, après avoir interrogé, Oui et reçu le mutuel consentement, a solennellement marié et conjoint en le lien du Saint Mariage, Robert Drouin, Mtre briquetier, et Anne Cloustier. Aussi, à la meme solennité, François Bélanger, maçon et Marie Guyon. Présents Olivier Le Tardif et M. François de Ré (Derré). Et c'est tout. (ANQ)

Cette chapelle de Notre-Dame-de-la-Recouvrance fut construite par Champlain lors de son retour de France en 1633. Il avait apporté de France cette dévotion envers Notre-Dame-de-la-Recouvrance. À son départ en 1629, après la conquête des Kirke, il avait enfoui dans la terre une statue de Notre-Dame-de-la-Recouvrance, lui promettant que s'il revenait à Québec, il lui construirait une église. Ce fut le lieu de culte des premiers colons.

Qui étaient les témoins François de Ré de Gand et Olivier Le Tardif ? Ce dernier dont François deviendra curateur de ses biens en 1662 était un pionnier de la Nouvelle-France. D'origine Bretonne, déjà de 1621 à 1629, il avait fait un séjour à Québec comme sous-commis des Caën et comme interprète des Montagnais, des Algonquins et des Hurons. À son retour en 1633, il fut premier commis de la compagnie de Caën et deviendra en 1640 commis général des Cent Associés. En 1646, il deviendra co-seigneur et procureur de Compagnie de Beaupré. En 1654, il devient juge seigneurial de Beaupré et à la suite de son invalidité, vend en 1662 sa part à Charles Auber de la Chesnay.

Derré de Gand fut commissaire général pour les Cent Associés et faisait partie du contingent de 1628 qui, à la suite de la capture par les Anglais, fut fait prisonnier. Il fut exécuteur testamentaire de Champlain et sera inhumé le 21 mai 1641 à ses côtés.

Ces deux témoins, tous deux commis de la Compagnie des Cent Associés, ne donneraient-ils pas un argument de plus à ceux qui soutiennent que François est arrivé en Nouvelle-France comme commis de la compagnie des Cent Associés et que par suite il n'aurait pas été un engagé de Giffard. (Murielle Laroche-Montpetit, Les Sevestre et la Nouvelle-France, 1984, p. 80). Par ailleurs, l'acte de mariage nous dit qu'il est maçon en 1637.

Transcription du contrat de mariage entre Robert Drouin et Anne Cloutier.
François Bellenger signe comme témoin

Vu l'importance historique et juridique de ce document, nous en faisons une analyse. Ce modèle, inspiré par la Coutume de Paris, sera transposé à tous les contrats de mariage de la colonie. Également, de nombreuses clauses se sont répétées jusqu'à aujourd'hui, même si le langage juridique s'est simplifié énormément. La structure de base s'articule autour de trois axes nécessaires et incontournables. Le contrat s'ouvre par la mention du notaire et des témoins de chacun des contractants.

Viennent ensuite les engagements et les obligations réciproques entre l'époux et l'épouse : consentement mutuel, la communauté de biens (acquet, conquet, propre), la dot, le préfix, les dettes contractées avant le mariage, les futurs héritiers. Les parents aussi s'obligent envers les époux : donation d'une terre, trousseau etc…. À la fin du contrat, de nouveau l'accent est mis sur l'acceptation des clauses selon une formule spécifique : ce acceptant, s'obligeant. La signature des contractants et des témoins confirment l'engagement qui apparaît ainsi non seulement un acte individuel mais aussi social.

"A tous ceux qui ces présentes lettres verront et coetera Salut savoir faisons que par devant et coetera que le vingt septiesme jour de juillet mil six cents trente six à la maison d'onorable homme ministre robert gifart furent présens en leurs personnes robert drouin de la paroisse du pin chastelnie de mortagne en perche et ce présent dans la nouvelle France assisté de Barthelemy Lemoine son cousin et de françois bellanger amy commun d'une part et Anne Cloutier fille de zacharie cloutier et de Saince Dupont ses pères et mères assistée de maistre robert gifart et marie renouart et de jehan guion amis communs de la dite future épouse tous presens Lesquels drouin et la dite Anne Cloutier du vouloir et consentement des susdits leurs parents et amis se sont promis et promettent par ces presentes"

"(se) prendre l'un l'autre par foy et loiaulté de mariage, le parfaire et solemnizer en sainte face d'église le plûtot qu'il sera entre eulx leurs parents et amis avizés en faveur duquel mariage le dict futur époux prendra la future épouse avec les droits qui luy peuvent appartenir et le dict futur époux a donne par le mariage faisant tous et chacun ses biens et terres maisons à luy venus et échus par le deces de ses défunts pères et mères en quelque lieu qu'ils soist asis et situéz sans en rien exempter réserver ny retenir et y subrogé et subroge la dite future épouse en son lieu et place pour en faire partage avec ses autres coéritiers du dict futur époux lesquelles choses demeureront à la dite future épouse avec ses droits tant mobiliers qu'immobiliers en nature de propre tant à elle que aulx siens et les deniers qui proviennent de l'estat et lignée de la dite future épouse le dict futur époux sera tenu les emploier en fons d'héritage ou en constitution de rente pour tenir lieu de propre à ycelle future épouse et aulx siens de son estat et lignée et commencera la communauté des dicts futurs mariés dès le jour de la bénédiction nuptiale"

"et a le dict futur époux donné à la dite future épouse la somme de vingt livres de doire préfix à prendre et avoir sur tous ses biens qui luy sont a venir, avenant la dissolution du dict mariage si mieulx n'aime la dite future épouse jouira de tout sa vie durant sans estre tenue d'aucune dette que le dict futur époux auroit auparavant ce jourd'hui faite ou pourroit cy après faire et en outre ce que dessus le dict zacharie cloutier et la dite Saincte Dupont père et mère de la future épouse se sont obligés de les loger et héberger durant trois ans ensemble et conseiler la dite future épouse leur fille comme à sa qualité appartient dont du tout ce que dessus les dites parties sont demeurées d'accort par ces présentes à l'entretien des quelles les dites parties y ont respectivement subcit et obligé les uns envers les autres tous et chacun leurs biens meubles et héritages prsens et advenir- faict en présence de martin grouvel maistre charpentier, noel Langloois et denis robert nous ont déclaré ne savoir signer et ont marqué fors le dit sieur gifart françois belanger et jehan guion qui ont signé les présentes."

Dans l'image qui suit, nous remarquons, en plus de la signature de François,
des marques typiques des métiers de l'époque telles:
la brique de Drouin, l'équerre de Grouvel et la hache de Zacharie Cloutier

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